Depuis quelques années, la Febrap organise une formation pour les moniteurs récemment entrés en fonction dans les ETA bruxelloises. Marie Merckling revient pour nous sur quelques notions évoquées durant son module consacré au profil des travailleurs et à l’adaptation du travail.
Dans le domaine du handicap, on entend parfois parler du modèle PPH? De quoi s’agit-t-il?
Le MDH-PPH ou Modèle de Développement Humain-Processus de Production du Handicap est un modèle canadien, qui met en lumière le caractère dynamique d’une situation de handicap et d’une situation de participation sociale. Ce modèle est intéressant dans le domaine des ETA, puisqu’il permet de comprendre qu’en agissant sur les obstacles et les facilitateurs que la personne rencontre dans son travail, il existe la possibilité de diminuer la situation de handicap en faveur de la participation sociale. Il aide à comprendre à quels niveaux on peut agir en tant que moniteur ou autre intervenant. Il rappelle ainsi qu’une situation de handicap n’est pas figée.
La première étape de l’adaptation du travail est l’analyse de la tâche, une technique empruntée à l’ergonomie. Comment s’y prendre concrètement? L’analyse de la tâche consiste à comprendre les différentes exigences qu’une tâche sollicite. On s’intéresse, d’une part, au type de tâche. Puis, d’autre part, à ses caractéristiques: durée, intensité, fréquence.
Cette analyse donne une vision précise du travail à réaliser et permet de mieux en percevoir les exigences. Quand cette analyse est faite, il est plus facile de trouver un équilibre entre les compétences du travailleur et les exigences de la tâche, et donc de proposer un poste adéquat à un travailleur. On peut également comprendre ce qui est modifiable dans la tâche, en vue de l’adapter. Par exemple, diminuer la cadence pour s’adapter à un problème moteur; prévoir des consignes visuelles pour compenser un déficit de mémoire; installer un poste isolé pour une personne qui a besoin de calme; etc. Tous les moniteurs participent à cette analyse, même sans le savoir.
Il y a plusieurs champs d’intervention possibles pour adapter le travail. Une bonne manière d’agir serait de les passer systématiquement en revue pour n’en écarter aucun a priori. Quels sont les types d’adaptation à envisager et à quoi correspondent-ils?
Une catégorisation possible est d’envisager les 3 domaines suivants : Technique, Organisationnel et Humain. En se posant les questions suivantes :
- Dans le travail que nous allons entreprendre, quelles sont les aides techniques et matérielles possibles? (Par exemple un gabarit pour faciliter un pliage, une table réglable en hauteur, etc.),
- Dans le travail que nous allons entreprendre, quelles sont les aides organisationnelles possibles ? (Organisation des places dans une chaîne de travail, permettre de courtes pauses supplémentaires, alterner un travail avec effort physique avec un autre, commencer la journée par une mise au point, etc.)
- Dans le travail que nous allons entreprendre, quelles sont les aides humaines possibles ? (Travailler en binôme pour une vérification mutuelle, prendre le temps de réexpliquer les consignes individuellement à un travailleur, etc.).
Il s’agit d’une grille de lecture parmi d’autres. L’important est de s’approprier des questions-repères qui permettent de systématiser et de faciliter la recherche de solutions. A ce propos, le partage de pratiques avec les pairs est une source inestimable !
Le secret médical pose un problème à certains moniteurs qui prônent le fait que certaines informations leur seraient très utiles dans l’adaptation du travail. Que peut-on leur répondre?
Une première partie de la réponse est tout simplement légale et très claire. Les ETA sont un lieu de travail et non un lieu de soins et relèvent de ce fait du droit du travail. Il appartient donc au travailleur lui-même de divulguer ou non les informations médicales qui le concernent. C’est lui qui choisit de prévenir l’employeur des problèmes qu’il peut rencontrer. Même sur l’autorisation d’embauche délivrée par le Phare, les informations médicales ne sont pas mentionnées. Il y a parfois des précisions comme « pas de travail en hauteur » par exemple, mais jamais de diagnostic. Tout le personnel d’encadrement se retrouve donc dans la même situation.
Cependant, il est vrai qu’on peut se sentir démuni lorsqu’on a la responsabilité d’une équipe. On souhaiterait avoir le maximum d’informations possible pour se sentir outillé dans l’exercice de ses fonctions. Toutefois, ces informations ne sont pas nécessaires à la réflexion qui vise à comprendre ce qui facilite vraiment la manière dont on travaille. Ce qui nous aide à adapter le travail, en réalité, ce n’est pas le diagnostic en tant que tel, mais bien la connaissance du travailleur. Apprendre à repérer ses difficultés mais aussi ses compétences et ses ressources. Et apprendre à connaître leurs travailleurs, c’est ce que font les moniteurs au quotidien. Cela prend du temps, demande de l’énergie et des ajustements, mais la connaissance d’un diagnostic ne dispenserait pas de cet effort.
Enfin, certaines maladies peuvent amener à des situations de crise plus ou moins urgentes, comme l’épilepsie ou le diabète. Dans ces cas particuliers, il est vrai que l’on peut souhaiter que le travailleur en fasse part afin de prévenir au maximum les situations à risque ou de réagir plus vite en cas d’urgence. Mais à nouveau, il est de son droit de ne pas le signaler. C’est la loi. C’est la même chose dans n’importe quelle entreprise. En cas de questionnement par rapport aux précautions à prendre face à ce type de problématique, l’idéal est de se tourner vers les secouristes de l’entreprise pour apprendre à appréhender au mieux ces situations d’urgence.